« Cette Flamme ne sera plus seulement la Flamme du souvenir, elle sera aussi la Flamme de la Nation et, même mieux que cela, elle sera alors la Flamme de l’Espérance!» Le Figaro

FIGAROVOX/TRIBUNE – Le choix du gouvernement de déployer le drapeau européen sans le drapeau tricolore sous l’Arc de Triomphe a déclenché une vive polémique. Celle-ci étant achevée, l’ancien commandant de la Légion étrangère rappelle ce qui signifie le sacrifice du soldat inconnu et l’hommage qui lui est rendu.

Général d’armée (2s) Bruno Dary

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Le Général Bruno Dary est le Président du
Comité de la flamme sous l’Arc de triomphe qui
ravive la flamme de la Tombe du soldat inconnu.
Général d’armée (2s), il est ancien chef de corps
du 2e REP et ancien commandant de la Légion
étrangère.

Source : Article du Figaro du 11/01/2022 

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Au cours de la plupart des obsèques ou sur de nombreuses pierres tombales, on lit
souvent ou on entend toujours cette belle expression « Qu’il repose en paix ». En
effet, que l’on croit au Ciel, ou que l’on n’y croit pas, chacun dans son for intérieur
souhaite et espère que la personne disparue – toujours trop tôt – ait pu trouver enfin
un repos mérité. Et pourtant s’il en est un, qui aurait mérité d’entendre ces paroles,
c’est bien ce soldat, à la fois inconnu et célèbre, dont le silence et l’anonymat font la
grandeur et dont la tombe est aussi le cénotaphe de tous ses milliers de compagnons
d’armes, d’hier et d’aujourd’hui, morts pour la France au Champ d’Honneur. C’est
bien le soldat inconnu !

Tous ces morts nous permettent aujourd’hui encore de
vivre librement, dans un pays en paix, et sans menace à
ses frontières.
Bruno Dary

Toutefois, une fois encore, il vient de se retrouver au cœur d’une polémique, dont
notre pays ne sortira pas vraiment grandi et dont il se serait volontiers passé. Ce qui
est paradoxal, c’est que personne ne se permet de remettre en cause cette tombe et
son symbole. En effet, les quelque 1.400.000 soldats morts au cours de la Première
Guerre Mondiale constituèrent, à l’époque, le prix à payer pour défendre chaque
arpent de terre et arriver ainsi à la victoire. Aujourd’hui notamment, avec notre regard
ou nos références de citoyen contemporain, il nous semble difficile, voire impossible,
de comprendre ou de justifier le sens d’un tel sacrifice. Pourtant, tous ces morts nous
permettent aujourd’hui encore de vivre librement, dans un pays en paix, et sans
menace à ses frontières. Voici trois ans, plus de 70 chefs d’État ou de gouvernement
étaient réunis pour honorer ce simple soldat, et, à travers sa sépulture, fêter le
100ème anniversaire de la fin de la Grande Guerre.
Mais si personne ne remet en cause cette sépulture et les symboles forts qui y sont
associés, ce soldat inconnu se retrouve paradoxalement et assez fréquemment au
milieu de débats ou de polémiques, chacun cherchant à justifier une perception, une
opinion ou encore une attitude autour d’un lieu à la fois mythique et mystique, l’Arc de
Triomphe. Déjà, dix ans à peine après la sépulture de ce simple soldat sous l’Arc de
Triomphe, Clemenceau dans ses mémoires, « Grandeurs et misères d’une victoire»,
qui ne seront publiées qu’après sa mort, n’hésite pas à recourir au soldat inconnu
lorsqu’il évoque sa vive opposition avec le Maréchal Foch, concernant les dommages
de guerre et les suites politiques de la victoire. Il commence ainsi le dernier chapitre
de son livre par ces mots : « Et, maintenant, soldat inconnu de la France, que dis-tu ?
Que veux-tu ? Que fais-tu ? …. Tu as tout donné, et tu n’as rien reçu. » Et
aujourd’hui, devant la tombe de ce simple soldat, devant le silence qui, le soir venu,
recouvre cette pierre tombale, mais devant la polémique suscitée par le pavois
européen qui flotta deux jours sous l’Arche immense, il semble opportun de recourir à
la modestie du Père La Victoire et d’interroger le soldat inconnu, en reprenant ses
mots : «Toi, modeste et noble création de l’esprit populaire, à jamais silencieux sous
la dalle funèbre, c’est toi, que je prétends interroger.»
Dans cette polémique, il y eut d’abord ceux qui ne se sentaient pas concernés : on
peut les comprendre si cette indifférence l’était à l’égard de discussions vaines, voire
puériles qui seront vite oubliées. En revanche, on les comprendrait moins s’il
s’agissait d’une ignorance ou d’un mépris à l’égard de cette tombe, qui est devenue
au fil des ans une « dalle sacrée ». À ceux-là, il faudrait leur conseiller de venir
simplement un soir, participer au Ravivage de La Flamme ; ils comprendraient
aisément le sens de cette simple cérémonie, bientôt séculaire, qui nous rappelle le
prix des larmes, du sang, et de la vie, à nous qui, depuis deux générations, vivons
librement dans un pays en paix et une Europe réconciliée.

Lorsqu’on est devant un tel monument, qui fait la synthèse
de l’histoire de France, puisqu’il a été conçu par un
Empereur, construit par un Roi et magnifié par la
République qui en a fait un cénotaphe, est-il opportun d’en
rajouter ?
Bruno Dary

Il y eut ensuite ceux qui se sont révoltés, car le pavois tricolore avait été occulté, ce
qui d’ailleurs n’est pas exact, car le grand pavois tricolore n’est installé qu’à l’occasion
des journées nationales, c’est-à-dire moins de dix fois par an. À ceux-là, comme aux
esprits forts qui ont profité de la polémique pour remettre en doute la nationalité de
cet inconnu, il suffit de leur demander de venir se recueillir devant la tombe et d’y lire
l’inscription centenaire : « ici repose un soldat français mort pour la Patrie – 1914 –
1918 ». À moins qu’il pensait à « cet étranger, devenu fils de France, non par le sang

reçu, mais par le sang versé » …. En outre, lorsqu’on est devant un tel monument,
qui fait la synthèse de l’histoire de France, puisqu’il a été conçu par un Empereur,
construit par un Roi et magnifié par la République qui en a fait un cénotaphe, est-il
opportun d’en rajouter ?
Et puis, il y a eu les défenseurs du pavois européen, dans le souci d’être à l’unisson
de la Présidence française, à l’instar de nombreux monuments parisiens. Le
paradoxe est qu’il est certain que ce soldat, même inconnu, a été tué par des
Allemands, puisque sa dépouille a été récupérée sur l’un des plus grands champs de
bataille de la Grande Guerre. Mais, sur le long terme, il faut reconnaître qu’il aura
fallu deux guerres mondiales, pour que l’Europe soit enfin unie et réunie, et qu’elle
est aujourd’hui pacifiée, puisqu’elle n’a pas connu d’affrontement majeur sur son sol,
depuis plus de 75 ans, ce qui reste unique dans son histoire.

Toi qui es tombé sous les tirs de l’ennemi, toi qui as tout
donné et qui n’a rien reçu, que réponds-tu à ceux qui
voudraient oublier ton sacrifice, ou masquer ta victoire ?
Clemenceau

Il faut reconnaître qu’on aurait pu installer, comme en 2008, même si le procédé était
quelque peu précaire, les deux pavois, pour symboliser à la fois un passé souvent
douloureux, et un avenir qui se veut optimiste. Mais au-delà des opinions de chacun,
au-delà des querelles de clochers et des polémiques inutiles, chacun pourrait, à la
manière de Clemenceau, interroger ce Poilu et lui demander : « Toi qui es tombé
sous les tirs de l’ennemi, toi qui as tout donné et qui n’a rien reçu, que réponds-tu à
ceux qui voudraient oublier ton sacrifice, ou masquer ta victoire ? Ne penses-tu qu’il
est temps d’honorer ton exemple et de célébrer la réconciliation des peuples ? »
Ainsi, cette Flamme qui brûle depuis près d’un siècle ne sera plus seulement la
Flamme du souvenir, elle sera aussi la Flamme de la Nation et, même mieux que
cela, elle sera alors la Flamme de l’Espérance !